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Jan
20

La ponte des coraux

UN MYSTERE ENFIN ECLAIRCI

 

Il y a 25 ans la systématique des coraux était bien avancée ; la structure et le fonctionnement de leurs récifs étaient déjà bien compris. Paradoxalement, les modalités de leur reproduction demeuraient assez obscures. En effet, ce n’est qu’en 1981 que fut observée, pour la première fois, la ponte des coraux dans leur milieu en Australie, sur la Grande Barrière, au nord de Cairns. Et pour cause ! La majorité des espèces de coraux se reproduisent uniquement pendant un temps très court, 5 ou 6 jours par an seulement. La brièveté de cette ponte et son caractère nocturne sont certainement les raisons de cette longue ignorance. A la Réunion, Maurice Parmantier a observé le phénomène régulièrement depuis 1991 et l’A.P.B.G. lui a rapidement emboîté le pas sous l’impulsion de Ginette LOPEZ, maintenant dans l’académie de Montpellier. C’est ainsi qu’année après année, nous avons pu construire le tableau suivant grâce aux observations des uns et des autres. Sa validité demeure limitée aux jours d’observation faute d’observateurs permanents. Ce n’est que depuis environ 3 ans que des observations plus larges dans le temps et dans l’espace ont été réalisées permettant de couvrir plusieurs mois de l’année et plusieurs sites coralliens.

 

 

23 novembre 1991 2 jours après la pleine lune
13 novembre 1992 3 jours après la pleine lune
1et2 novembre 1993 2 et 3 jours après la pleine lune

20 novembre 1994
2 jours après la pleine lune
1995 ? pas d’observateurs
27 novembre 1996 1 jour après la pleine lune
1997 (épisode El Nino) ?
7 octobre 1998 2 jours après la pleine lune
28 septembre 1999 3 jours après la pleine lune
17 et 18 octobre et 14 et 15 novembre 2000 3,4 et 5 jours après les pleines lunes
16 octobre 2001 jour de la pleine Lune
2002 ? pas d’observateurs
24,25 et 26 septembre, 25 octobre et 12 et 13 novembre 2003 3, 4, 14, 15 et 16 jours après la pleine lune
30 novembre 2004 4 jours après la pleine lune mais pas de ponte massive
19, 20 et 21 octobre 2005 2, 3 jours après la pleine lune à l’Hermitage et 4 jours après la pleine lune à Saint-Leu

 

Surface du lagon immédiatement après la ponte

II y a plusieurs épisodes, plus ou moins massifs, de ponte par an concernant essentiellement les coraux branchus Acropora formosa. Les scientifiques en sont encore au stade des hypothèses pour tenter d’évaluer l’influence des facteurs du milieu sur la synchronisation de ce phénomène : température de l’eau, phase de la lune, coefficient de la marée ? Par ailleurs, les facteurs trophiques influencent certainement la reproduction. Le stress subi par les colonies lors des fortes marées basses en saison chaude, les épisodes de blanchissement, ont certainement un impact sur la reproduction des coraux. Ainsi quand elle sera mieux connue, la reproduction sera peut-être un bio-indicateur précieux de la santé de nos récifs. Les paris sont ouverts chaque année. Cette année nous avions programmé un rendez-vous nocturne le 20 octobre sur la plage de l’Hermitage et nous avons eu la chance d’assister à une ponte massive (figure 1) au moment de l’étal de marée basse et alors que la lune commençait tout juste à apparaître derrière le relief.

 

 

Les produits sexuels ont été observés au microscope et photographiés dès que possible de façon tout à fait artisanale : un appareil photo numérique a été posé sur  l’oculaire d’un microscope de lycée (x100) en zoomant. Le laboratoire d’écologie marine de la Réunion nous a avoué n’avoir pas fait mieux.

 

DES MODALITES DE REPRODUCTION VARIEES

 

ovule avant la fécondation (immédiatement après la ponte)

La biodiversité complique tout…

Les gamètes se forment à partir de cellules interstitielles de l’endoderme et migrent dans les cloisons de la cavité gastro-vasculaire. La majorité des espèces sont hermaphrodites : un même polype produit à la fois des gamètes mâles et des gamètes femelles.

les Pocilloporidés, hermaphrodites, les spermatozoïdes sont émis dans l’eau de mer. Ils migrent, probablement attirés par des phéromones, vers la cavité gastro-vasculaire d’un autre polype. La fécondation s’y produit et l’œuf s’y développe en une larve ciliée, la planula, qui est libérée après avoir intégré des zooxanthelles.

Les Acropora, également hermaphrodites, libèrent des agrégats mixtes d’ovules enfermant une petite quantité de sperme d’où un aspect irrégulier, en grappes, des produits sexuels observés à la loupe ou au microscope et l’apparente absence de sperme.

Les Favites, hermaphrodites aussi, émettent, quant à eux, successivement des jets d’ovules puis de sperme.

Chez les Fungidés, les sexes sont séparés. Ils font partie de la catégorie plus exceptionnelle des coraux constructeurs dioïques

A la Réunion, il y aurait au moins 160 espèces de coraux qui ont donc des modalités de reproduction bien différentes. Cette année, dans les prélèvements faits en surface, nous avons nettement observé des ovules bien sphériques (figure 2) entourés de spermatozoïdes coniques animés de mouvements browniens. Malheureusement la qualité des photos rend difficile l’observation des ces derniers.

 

La surface de l’eau s’est trouvée rapidement couverte d’œufs en provenance sans doute de la pente externe et nous n’avons pas identifié la ou les espèces responsables. Le mode de segmentation particulier de l’œuf. puis de ses deux cellules filles (figure 4) nous permettra peut-être d’en savoir plus.

Première division de l’œuf environ 2 heures après la ponte

Deuxième division de l’œuf environ 4 heures après la ponte

Il y a quelques années à l’occasion d’une précédente ponte massive, nous n’avions pas observé ceci mais des agrégats irréguliers. Nous avions alors cru à un artefact. On peut faire l’hypothèse qu’ils correspondraient aux produits sexuels d’Acropora.

 

CE PHENOMENE SE DEROULE-T-IL DE FAÇON SYNCHRONE DANS TOUT L’OCEAN INDIEN AUSTRAL ?

 

Dans l’état de Western Australia, on observe des récits coralliens depuis les îles Ashmore (1) dans la Mer de Timor (2° S) jusque dans les Abrolhos (2) (29° S), et même au large d’Espérance (3) (34° S). Le développement des récifs coralliens au sud de la zone tropicale s’expliquerait par le courant chaud de Leeuwin qui réchauffe les eaux littorales pendant l’automne el l’hiver. Pendant les épisodes « El Nino » ce courant a tendance à s’affaiblir. Des Kimberley au nord, jusqu’aux Abrolhos, cet événement se produit la 8 ème ou 9ème nuit après la : pleine lune de mars, parfois d’avril alors que sur la Grande Barrière (GB), au Queensland, la ponte massive se produit au printemps ou au début de l’été comme à la Réunion (R).

 

 

 

Nicole CRESTEY

Sources : Maurice Parmantier
L’Univers du’ Vivant n° 21 juin 1987
Western Australian Muséum Perth